Pour résumer l’entretien que nous avons eu vendredi dernier, dans lequel nous avons débattu sur le sens de l’ijtihad et du pourquoi : je ne suivais pas la majorité des savants sur la question.
J’aimerais apporter quelques précisions concernant ma posture que beaucoup critiquent mais que, paradoxalement, la plupart des musulmans suivent sans s'en rendre compte, puisqu'étant la voie naturelle...
En effet, selon Ibn Hazm, il incombe à tout musulman de faire un effort (ijtihad) afin d’accéder à la vérité contrairement à ce que peuvent soutenir une grande majorité de savants qui défendent qu'à eux le devoir de faire du Taqlid!
Et, la preuve se trouve dans le coran, là où Allah dit : « Allah n’impose pas à une âme plus qu’elle ne peut porter. »[1]
لا يكلف الله نفساً إلا وسعها
ومن المستحيل تكليف الناس بوسع غيرهم من الفقهاء
A partir de là, il est illicite (Taqlid) de suivre aveuglement tant que nous entendons par Taqlid l’action de suivre une personne sans la connaissance de ses preuves ! En effet, le retour aux sources est imposé à tous et à toutes car le Coran a été rendu facile à sa lecture. Et, la preuve se trouve dans le Coran lui même : « Nous avons certes rendu le Coran facile à sa lecture, y a-t-il quelqu’un pour s’en rappeler ? »[2]
وَلَقَدْ يَسَّرْنَا الْقُرْآَنَ لِلذِّكْرِ فَهَلْ مِنْ مُدَّكِرٍ
Ainsi, quand Allah dit : « Ne méditent-ils pas sur le Coran ou ont-ils des cadenas dans leur cœur ! »[3]
أَفَلَا يَتَدَبَّرُونَ الْقُرْآَنَ أَمْ عَلَى قُلُوبٍ أَقْفَالُهَا
A propos de ce verset le Cheikh Chanqiti a dit : « Ce discours s’applique aux mécréants qui refusèrent de méditer le Coran, alors que doit-il en être des musulmans ? Ne sont-ils prioritaires dans le devoir de méditer et de comprendre ses preuves ? »[4]
إن هذا خطاب توبيخ للكفار لإعراضهم عن تدبّر القرآن فكيف بعوام المسلمين؟، أفليس من الأولى أن يكونوا مطالبين بتدبر القرآن وفهم الأدلة؟
A partir de là, il incombe à tous à toutes le devoir de revenir directement aux sources que sont le Coran et la Sunna et de pratiquer par conséquent un ijtihad car le devoir de comprendre implique simultanément le devoir d’extraire le sens voulu, et ceci n’est manifestement rien d’autre qu’un ijtihad !
C’est donc seulement à défaut de les connaître et de les comprendre directement, qu’il devient légal de suivre une personne qui les connaît mieux, en l’occurrence, le savant ou le plus savant que nous, tant que ce dernier ne nous écarte pas des sources mais nous facilite l’approche de ces dernières. A ce propos Allah a dit : « Et demandez aux gens du rappel, si vous ne savez pas. »[5]
فَاسْأَلُواْ أَهْلَ الذِّكْرِ إِن كُنتُمْ لاَ تَعْلَمُونَ
Ainsi, il est bien stipuler dans ce verset que le retour aux gens de science est conditionné à notre ignorance et que dans le cas du savoir il est, par déduction, inutile de revenir à eux ! Ce principe est d’une telle évidence, que tout éloignement par rapport à celui-ci ne peut que nous mener vers l’erreur !
C’est pourquoi les « gens des dires » (ahl al aqwal), ceux qui rapportent des listes de citations constituent une école diamétrale à celle de la Zahiriya puisque selon Ibn Hazm : « le texte de la révélation porte en lui un sens qui ne peut pas être compris par autre chose que lui-même » ! Ce n’est donc pas les listes de savants concernant une question donnée qui doit nous écarter de l’évidence d’une sentence claire du Coran et de la Sunna, comme à l’endroit par exemple du caractère innové de la célébration de la naissance du prophète !
Et la preuve se trouve dans le Coran : « Nous avons fait descendre le Livre sur toi, comme un éclaircissement de toute chose. »[6]
وَنَزَّلْنَا عَلَيْكَ ٱلْكِتَٰبَ تِبْيَٰنًۭا لِّكُلِّ شَىْءٍ
Ainsi, la religion est simple et claire, ce ne sont que les ignorants qui l’ont complexifiée comme a pu le soutenir le cheikh al islam Ibn Taymiyya ! Comprenons que la voie de l’authenticité est celle des compagnons, et sur les 124000 compagnons seulement une centaine était considérée comme des savants habilités à faire des fatwas. Or, nous savons de toute évidence que tous les compagnons étaient meilleurs que les savants des générations suivantes, impliquant qu’il existe une qualité dans la science chez ces derniers par laquelle ils se distinguèrent en mérite dans le savoir vis-à-vis de leur postérité, en l’occurrence : la simplicité !
En effet, selon Ibn Hazm : « Chaque personne qui côtoyait le prophète et prenait de lui une science, allait faire des fatwas (aftâ) à sa famille, à ses voisins et à sa tribut. C’est une chose que l’on sait par évidence. Pour ce qui est des fatwas qui concernent les adorations et les jugements, nous ne connaissons que cent trente et quelques compagnons qui les faisaient »[7] Ainsi, les compagnons étaient des gens simples qui ne troquaient pas l’évidence pour la complexité or 90 % de la religion est composé de sciences simples comme l’unicité, le jihad, le paradis, l’enfer et les récits prophétiques !
Ainsi, il est clair qu’ils ne connaissaient rien de toutes les règles établit par les gens de science, qui apparurent après eux, dans la croyance et le droit, mais furent toutefois considérés supérieurs dans la science et le mérite en raison de leur rapport direct et donc simple avec la révélation !
A partir de là, nous pouvons extraire la règle selon laquelle, plus nous avons un rapport direct avec la révélation et moins nous sommes susceptible de tomber dans l’erreur ! Or, c’est quand l’homme se met entre la révélation et son semblable par une interprétation entachée d’humanité que nous risquons justement de tomber dans l’erreur et l’égarement, de sorte que ce soit par la religion que nous nous éloignons de la religion, et effectivement toutes les sectes de l’islam sont apparues historiquement selon ce processus…
Sans oublier le fait que l’ijtihad est décomposable, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire d’être un moujtahid dans toutes les disciplines pour l’être dans une seule d’entre elles.
A ce propos, Ibn Taymiyya a dit :« L’Ijtihad n’est pas une seule chose qui n’accepte pas le détail ou la décomposition, au contraire la personne peut être Moujtahid dans un art ou un chapitre ou un sujet sans l’être dans les autres arts, chapitre et sujet, toute personne fait donc son effort selon ce qu’il comme capacité ! »[8]
A partir de là, il est tout à fait raisonnable de faire de l’ijtihad dans les disciplines évidentes ou maîtrisées. Et c’est même un devoir car Allah a dit : « Qu’il voue au châtiment ceux qui ne raisonnent pas ! »[9]
وَيَجْعَلُ ٱلرِّجْسَ عَلَى ٱلَّذِينَ لَا يَعْقِلُونَ
Ainsi, il incombe à tous et à toutes le devoir de raisonner afin d’accéder à la vérité et le raisonnement implique soit l’ijtihad direct (l’effort d’extraction du sens voulu) pour celui qui en possède les capacités, soit l'ijtihad indirect c'est-à-dire le tarjih (préférencialisation d’un avis sur un autre) sur la base de l’analyse des dalils respectifs des différents avis sur une question donnée !
Ainsi, la Zahiriya se donne pour challenge de mettre tout croyant directement face aux textes et dans le cas de l’erreur car l’erreur est, en effet, inévitable alors cette dernière est excusée selon la parole divine suivante : «Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par erreur, mais (vous serez blâmés pour) ce que vos cœurs font délibérément. »[10] Ce verset est général est s’applique à tous et à toutes selon Ibn Hazm !
وَلَيْسَ عَلَيْكُمْ جُنَاحٌ فِيمَا أَخْطَأْتُم بِهِ وَلَٰكِن مَّا تَعَمَّدَتْ قُلُوبُكُمْ
D’ailleurs, notre prophète a dit : « On pardonnera aux membres de ma communauté l’erreur, l’oubli et la contrainte.»[11]
رفع عن أمتي الخطأ والنسيان وما أكرهوا عليه
Ainsi, il est important de distinguer deux types d’erreur :
- - l’erreur excusable
- - l’erreur inexcusable
L’erreur excusable est celle de ceux qui sincères tendent vers le meilleur de ce qu’ils savent mais qui fautent par méconnaissance d’une vérité supérieure à leur connaissance comme ceux à qui ils manquent par exemple des hadiths. Ces gens là sont des gens d’écoute…
L’erreur inexcusable est celle de ceux qui orgueilleux et hypocrites campent sur leurs positions malgré la connaissance des vérités supérieures qui prouveraient leurs erreurs et leurs égarements ! Ces gens là sont des gens muets dans la mesure où ils n’aspirent pas à découvrir les vérités extérieures par l’aspiration continuelle au meilleur au moyen du dialogue construtif et du questionnement par exemple puisque selon notre prophète : « le remède à l’ignorance c’est justement la question. »
Mahdy Ibn Salah
[1] C2/286
[2] C54/17
[3] C47/24
[4] أضواء البيان
[5] C16/43
[6] C16/89
[7] « Al Ahkâm fî ousouli al-ahkâm » (5/87)
[8] Ibn Taymiyya, Majmou3 El Fatawa 212/20
[9] C10/100
[10] C33/5
[11] Ibn Maja