Le premier plan de la réalisation du Tawhid concerne celui de la seigneurie. Cet aspect de l’adoration touche la croyance et la connaissance du but. En effet, la seigneurie de Dieu se compose de tous les attributs parfaits de Dieu par lesquels Il se décrit, tels que la suffisance, la bienfaisance, la domination, l’administration, l’élévation, la grandeur, la puissance, la richesse, le pouvoir de nuire et de profiter etc. Elle est le moyen de parvenir au but qu’est l’adoration car celui qui veut atteindre un but s’informe de l’itinéraire qui mène vers ce dernier. La seigneurie constitue, par conséquent, l’itinéraire qui nous permet d’atteindre la finalité c’est-à-dire la divinité. L’on se rapproche toujours d’une chose par la connaissance que l’on a de cette chose. En effet, la proximité est fonction de la précision de la description. Le Tawhid dans la Seigneurie consiste, par déduction, à connaître le Créateur dans toute Sa perfection et donc à affirmer simultanément l’entière pauvreté et la totale dépendance des créatures à son égard. La réalisation du Tawhid au niveau de la seigneurie engendrera, par exemple, la naissance d’un sentiment de confiance, en effet, comme le disait Foudaïl Ibn ‘Iyad : « Celui qui connaît les hommes est serein ». Il disait cela en visant leur inaptitude à nuire et à profiter. De ce spectacle de la contemplation de la perfection divine naîtra d’autres vertus toutes aussi sublimes : comme le courage, la délégation de l’affaire à Allah, le contentement, la patience, l’humilité, la modestie etc. La connaissance de Dieu s’opère par l’étude de ses noms, de ses attributs, de ses actes au moyen de la méditation de sa parole. Le Tawhid dans la seigneurie consiste ainsi à purifier l’idée que l’on a de Dieu car étant notre but nous ne pouvons qu’avoir une idée de Lui. L’idée préside souverainement le monde car la représentation que l’homme se donne de la vie détermine la relation qu’il noue avec elle. C’est parce que l’idée engendre un état d’âme qu’elle gouverne les actions du corps car les membres corporels sont orientés par les mouvements de l’âme tels que l’amour, la crainte et l’espoir. Aussi aucune société, ne peut se constituer et se conserver sans l'influence d'un système d'idées, capable de vaincre l'opposition des tendances individuelles, et de les faire concourir à un ordre constant. L’idée de Dieu apparaît comme l’idée maîtresse autour de laquelle gravitent toutes les autres idées. « Je serai pour mon serviteur ce qu’il croit que Je suis » dit Allah dans un récit divin. Le monde extérieur est donc relatif à l’idée que l’on a de Dieu. En effet, Allah est le Maître de l’autorité absolue car étant le Créateur et aucune créature n’a une réelle autorité sur une autre créature si ce n’est pas l’ordre d’Allah puisque, de toute évidence, la créature ne s’est pas octroyée ses propres attributs. Ainsi, c’est par l’ordre de Dieu qu’une créature peut avoir un emprise sur une autre : « Dis : Ô Allah, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui tu veux et tu arraches l’autorité à qui tu veux, et Tu donnes la puissance à qui tu veux et tu humilies qui tu veux. Le bien est en ta main et Tu es Omnipotent ». C’est pour cela que des oiseaux ont lapidé les abyssins qui voulait détruire la Ka’ba, que des moustiques ont détruit l’armée de Nemrod et que le vent a brisé les ‘Adites… « Nul ne connaît les armées de Ton Seigneur à part Lui ».
A bien comprendre, Allah n’a pas besoin de doter les partisans de sa religion d’une bombe nucléaire pour rivaliser ses ennemis puisqu’Il peut mettre dans le vent la force de 10 de ces bombes ! Nous devons être convaincus du verset suivant : « Si Allah vous donne son secours, nul ne peut vous vaincre. S’il vous abandonne, qui donc après lui vous portera secours ? C’est à Allah que les croyants doivent faire confiance ». Ainsi, tout réside dans la représentation que l’on a de Dieu. C’est donc l’un des plus grands péchés que de penser du mal d’Allah ! Tout ce qui arrive dans la société mondiale où nous vivons, bien ou mal, est le résultat de l’idée que nous avons du Créateur et simultanément de ses créatures. Ce qu'il faut combattre, afin que règne la justice et la paix : c’est donc les idées fausses. Dans un verset il est dit : « Et c’est cette pensée que vous avez eue de votre Seigneur, qui vous a ruinés, de sorte que vous êtes devenus du nombre des perdants ». Et la parole d’Abraham : « Cherchez-vous, dans votre égarement, des divinités en dehors d’Allah ? Que pensez-vous du Seigneur de l’Univers ? » La purification de l’idée de Dieu est l’essence du Tawhid, c’est pourquoi le prophète a dit : « Que personne d’entre-vous ne meurre si ce n’est avec une bonne idée de Dieu ». L’association dans la Seigneurie consiste donc à attribuer, par la croyance, à une créature quelconque, une perfection propre au Créateur. C’est donc avoir une mauvaise idée de Dieu par la déformation de la nature d’une créature. C’est donc une association au niveau de la croyance et c’est exactement cela que de confondre le Créateur avec sa créature. Cette forme d’association découle généralement de l’adoption d’un but différent de Dieu car dès que l’on divinise un autre que Dieu et bien nous octroyons nécessairement des perfections à cet autre en fonction de l’intensité de la finalisation. Celui qui associe dans la seigneurie associe nécessairement dans la divinité et la réciproque à ce principe n’est pas toujours vraie. En effet, si l’architecte parfait sur papier la réalisation de son édifice, et bien la défaillance en ce qui concerne la construction de l’édifice peut encore provenir des ouvriers qui n’auront pas respecté les normes du plan fixées par l’architecte. Lorsque apparaît pour le serviteur le spectacle de la seigneurie, c’est-à-dire, lorsqu’il verra que le royaume et l’administration appartiennent entièrement à Allah, il ne verra ni profit, ni nuisance, ni même un mouvement sans voir Allah être son Auteur et Créateur. C’est à cette contemplation que fait allusion l’imam Ghazali dans son « Kitab Tawhid oua Tawakoul » quand il soutient que : « Nous disons donc que le Tawhid est constitué de quatre degrés :
- le premier degré du Tawhid est celui de l’homme qui professe qu’il n’y a point de divinité en dehors de Dieu, alors que son cœur est plongé dans l’insouciance ou encore nie ce qu’il professe à l’instar des hypocrites
- Au second degré, le cœur croit en ce que l’on a prononcé : il s’agit ici de la croyance de la plupart des musulmans et ce degré constitue le credo de la masse
- Le troisième degré consiste à contempler (cette unicité divine) au moyen du dévoilement intuitif grâce à la Lumière de la Vérité, c’est là la station des rapprochés. Celui qui l’atteint voit la multiplicité de choses, mais en dépit de cette multiplicité, il ne voit que comme procédant de l’unique, du contraignant
- Le quatrième degré consiste à ne voir dans l’existence que l’Unique. C’est la contemplation des véridiques. Les soufis nomment cette station : « al fana fi Tawhid » c’est-à-dire la disparition dans l’unicité, ceci parce que si le fidèle ne voit que l’unique c’est qu’il ne perçoit plus sa propre personne. Et s’il ne perçoit plus sa propre personne, c’est qu’il s’est éteint à lui même dans l’unicité de Dieu dans le sens où il ne voit plus sa propre personne, ni le reste des créatures »
Le quatrième degré fait allusion à la doctrine de la wahidatoul shouhoud (l’unicité de la contemplation) et non pas la wahidatoul oujoud (l’unicité de l’existence) doctrine d’Ibn ‘Arabi dont l’adoption exclut de l’islam. En effet, pour les partisans d’Ibn ‘Arabi, Allah est l’essence de chaque chose et ils pensent, de ce fait, que les chrétiens ont mécru que parce qu’ils n’ont adoré que Jésus. Ils soutiennent donc que s’ils (les chrétiens) avaient généralisé l’adoration à l’ensemble des créatures, ils n’auraient pas mécru ! Ils sont ainsi plus mécréants que les chrétiens car ces derniers n’ont associé à Dieu que Jésus alors qu’eux lui associent toutes les choses ! Les partisans d’ibn ‘Arabi pensent que le Tawhid consiste à confondre l’éternel et le contingent alors que c’est exactement le contraire. L’homme possède en lui une part de la contingence ainsi qu’une part de l’absolu. Et, sans cette distinction au niveau de la croyance et de l’acte, c’est tout l’édifice de l’Islam qui s’effondre ! Le bien devient le mal, la créature devient le créateur et il n’y a plus de différence entre une fille, une mère et une étrangère, toutes étant licites selon al Afif al Tlimsani, fervent disciple d’ibn ‘Arabi ! Autant de croyances périlleuses qui excluent leurs partisans de l’Islam. Pour revenir au sujet, c’est par une méditation de l’effet à la cause des phénomènes de l’univers que l’on peut réaliser ce Tawhid contemplatif. « Celui à qui s’est dévoilé, dira l’imam Ghazali, l’ordre des choses de ce monde sait que le vent n’est que de l’air, et qu’il n’a pas le pouvoir de se mouvoir seul mais nécessite d’un moteur lequel à son tour, a besoin d’un autre moteur et ainsi de suite jusqu’à arriver au Premier Moteur (al Moharrak al Awwal) qui ne dépend d’aucun autre et qui, en Soi, n’est pas en mouvement. Celui qui a attribué son salut au vent est semblable à celui qui fut capturé pour être décapité et à qui le roi accorda, par écrit, la grâce et la libération : il se mit alors à louer l’encre, le feuille et la plume et dit : « je n’aurai jamais pu avoir la vie sauve sans la plume ». Ainsi, croit-il devoir son salut à la plume et non pas à celui qui a écrit ; cette attitude constitue le comble de l’ignorance. Celui qui sait que la plume n’a aucun pouvoir en soi, mais qu’elle est soumise à la main de celui qui écrit, ne se tournera pas vers celle-ci mais remerciera le scribe. Peut-être même, qu’émerveillé par son salut inattendu, il remerciera le roi et le scribe et oubliera la plume, l’encre et l’encrier ». Mais Satan veut nous égarer et nous mener à associer à Dieu une fausse divinité en attribuant à une créature le pouvoir d’être cause première de son effet. Il procédera en deux étapes :
- le premier est celui des choses inanimées
- le second celui des choses animées
Ainsi, si Satan n’arrive pas à te faire croire que des choses inanimées peuvent être causes premières des effets qui te sont profitables alors il va te convier à croire que des choses animées peuvent l’être. C’est ici que l’imam Ghazali nous invite à méditer le mouvement d’une plume et de remonter à la Cause des causes afin que nous disparaissions dans la contemplation de l’unique. Un individu regarde la feuille et lui demande qui l’a noircie, cette dernière répond que c’est l’encre qui s’est déposé sur elle contre son gré. Questionné à son tour, l’encre riposte qu’elle n’a pas agit de son propre chef mais qu’elle a été manipulé par la plume. La plume rétorque, à la même question, en renvoyant à la main qui l’a mit en mouvement. La main accuse, à son tour, la force et le pouvoir. Le pouvoir soutient qu’il sommeillait en la main mais qu’il a été déclenché par la volonté. La volonté dénonce, de son côté, la science et l’intelligence. Reprochant à la science et à l’intelligence d’avoir suscité la volonté, laquelle a asservit le pouvoir : l’intelligence répondit : « Je suis un flambeau qui ne s’allume pas de son propre chef mais qui l’est par d’autres ». Le cœur dit quant à lui : « Je suis un tableau qui ne se déploie pas de son propre chef mais qui l’est par d’autres ». Et la science poursuivit : « Je suis une inscription que l’on a gravé sur la table blanche du cœur lorsque s’illumina le flambeau de l’intellect et je ne m’y suis certainement pas déposée toute seule. Par le passé, cette table resta longtemps sans moi. Interroge donc la plume sur mon compte car l’écriture ne s’accomplit que par elle ! » Ibn Taymiyya soutient, quant à lui, au sujet de ce genre de Tawhid dans une longue fatwa : « L’extinction est de trois espèces. L’un appartient aux hommes parfaits d’entre les prophètes et les amis de Dieu, l’autre aux modérés d’entre les amis de Dieu et les vertueux, la dernière aux hypocrites hérétiques et assimilationnistes. La première espèce d’extinction ; c’est l’extinction de la volonté de ce qui est autre que Lui, de telle manière qu’on aime que Dieu et qu’on adore que Lui, qu’on se confie qu’à Lui et qu’on ne recherche rien d’autre que Lui. Telle est nécessairement la signification des propos du shaykh Abou Yazid al Bistami quand il a dit : « Je veux ne plus vouloir ! », c’est-à-dire ne vouloir que ce qui est voulu par Dieu, aimée et agrée (de Lui), à savoir ce qui est voulu par Lui : volonté religieuse de Dieu. La perfection du serviteur consiste à ne vouloir, à n’aimer et à n’agréer que ce que Dieu veut, agrée et aime, à savoir ce qu’il a ordonné en le rendant obligatoire ou préférable. (Elle consiste) à n’aimer que ce que Dieu aime, de même que les anges, les prophètes et les pieux. C’est là, le sens de ce qui a été dit dans de ces paroles du Très Haut : « Sauf celui qui viendra à Dieu avec un cœur pur ». Un cœur pur, a-t-il dit, de ce qui est autre que Dieu, de ce qui est autre que l’adoration de Dieu, de ce qui est autre que la volonté de Dieu ou de ce qui est autre que l’amour de Dieu. Il s’agit d’une seule et même chose, et qu’on nomme « extinction » ou non, c’est là le commencement de l’islam et sa fin, la (réalité) intérieure de la religion et son apparence. La deuxième espèce « d’extinction », c’est l’extinction de la contemplation (shuhud) de ce qui est autre que Dieu. Ceci advient à beaucoup de ceux qui cheminent sur la voie spirituelle. Du fait da l’attraction excessive de leurs cœurs vers le souvenir de Dieu, vers son adoration et vers son amour, du fait, également que leurs cœurs sont trop faibles pour contempler autre chose que ce qu’ils adorent et voir autre chose que ce qu’ils voient, rien d’autre que Dieu ne touche leurs cœurs ou, même, ils n’en ont pas conscience ainsi que cela a été dit ces paroles du Très Haut : « Et le cœur de la mère de Moïse devint vide. Peu s’en fallut qu’elle ne divulguât tout, si Nous n’avions pas pansé son cœur ». Ceci arrive souvent à ceux que quelque affaire obnubile : un amour, une peur, une espérance qui font que leur cœur reste détourné de toute chose sauf de ce qu’ils aiment de ce dont ils ont peur ou de ce qu’ils recherchent, à tel point que, absorbés en cette chose, ils n’ont plus conscience de rien d’autre. Quand un tel (phénomène) est particulièrement fort, celui qui vit l’extinction est absent à lui-même par ce qui est trouvé par lui, par ce qui est contemplé de lui au fait de le contempler ; par ce dont il se souvient, au fait de s’en souvenir et par ce qui est connu de lui, au fait de le connaître. Ce qui n’était pas s’éteint par conséquent, à savoir, les créatures asservis, qui sont autres que Lui. Tandis que demeure Celui qui n’a pas cessé d’être, à savoir le Seigneur Très Haut. Ce qui est voulu, c’est l’extinction des créatures alors que l’on contemple Celui qui les asservit et qu’on se souvient de Lui, de même, que sa propre extinction pour ce qui est de les saisir ou de les contempler. Et quand un tel phénomène est particulièrement fort, l’amant est tellement faible qu’il est ébranlé en son discernement et peut penser être son bien aimé. Un homme, rapporte-on ainsi, s’était jeté à la mer et son amant s’y jeta aussi, derrière lui. « Moi je suis tombé lui dit-il. Qu’est-ce donc qui t’a fait tombé derrière moi? » « J’ai été absent, par toi, à moi-même, lui répondit son amant et j’ai pensé que tu étais moi ! » Des gens ont glissé en cet endroit et ont pensé qu’il y a union, que l’amant s’unit au bien-aimé au point qu’il n’y aurait, en leur existence même pas de différence entre eux deux. C’est une erreur. Au créateur rien ne s’unit en effet, fondamentalement. Bien plus, rien ne s’unit à rien sinon quand deux choses se transmuent se corrompent, et que, de leur union à toutes deux, advient une troisième affaire qui n’est ni l’une ni l’autre ainsi que cela sa passe quand s’unissent l’eau et le lait, l’eau et le vin, etc. Les objets de la volonté, de l’amour et de la réprobation s’uniront par contre et concorderont tous deux pour ce qui est de l’espèce de la volonté et de la réprobation, l’un aimant ce qui l’autre aime, l’un détestant ce que l’autre déteste agréant ce qu’il agrée, se fâchent de ce dont il se fâche, réprouvant ce qu’il réprouve, étant l’ami de ce dont il est l’ami et l’ennemi de ce dont il est l’ennemi. Dans toute cette extinction, il y a déficience. Les plus grands des amis de Dieu ; tels Abu Bakr et Omar et les plus anciens, les premiers des émigrés et des auxiliaires ne tombèrent pas dans une telle « extinction ». De même, à fortiori, pour ceux qui leur étaient supérieurs, les prophètes. Une telle chose n’est apparue qu’après les compagnons. Idem pour tout ce qui est de ce type et comporte, du fait de ce qui s’offre au cœur comme états de la foi, une absence de l’intelligence et du discernement. Les compagnons étaient trop parfaits, trop forts et trop stables, eu égard aux états de la foi, pour que leurs intelligences s’absentent ou que leur adviennent perte de conscience, évanouissement, ivresse, extinction, engouement ou folie. De telles affaires ont commencé avec les suivants parmi les dévots de Bassora. Il y en avait, en effet, parmi ceux qui perdaient conscience en entendant le coran et d’autres qui mourraient, tels Abu Jahir al Darir et Zurarah bin Awfa, le cadi de Bassora. On en arriva ainsi à ce que, chez certains shaykhs soufis, une telle extinction, une telle ivresse se produisent que le discernement en fut affaibli, certains allant jusqu’à dire en cet état des propos en lesquels ils surent une fois revenons à eux, qu’ils s’étaient trompés. On raconte de telle chose d’Abou Yazid par exemple, d’Abou al hassan al Nuri, d’Abou Bakr al Shibli et de leurs semblables. Dans de pareilles « extinction », ivresse etc., ne sont par contre tombés ni Abou Soulayman al Darani, ni Ma’ruf al Karkhi, ni al Foudayl bin ‘Iyad, ni Jounayd et ses semblables que leurs intelligences et leur discernement accompagnaient en leurs états spirituels. Ou plutôt, dans les cœurs des gens parfaits, il n’est rien d’autre que l’amour de Dieu, que sa volonté et que son adoration. Il y a chez eux une science et un discernement d’une telle ampleur qu’ils contemplent les choses telles qu’elles sont. Bien plus, ils voient les créatures subsister par le commandement de Dieu, être administrées par sa volonté et, il y a en elles, pour eux, une invitation à la clairvoyance, un rappel et ce qu’ils contemplent de ces choses est un appui, un secours, pour ce qui se trouve en leurs cœurs comme consécration de la religion à Dieu comme dépouillement de l’affirmation de son unicité et comme adoration de lui Seul, sans qu’il ait d’associé. Telle est la réalité à laquelle le coran a appelé et qu’ont assumé les gens ayant réalisé la foi, les adeptes parfaits de la gnose. Notre prophète était leur imam et le plus parfait d’entre eux. Voilà pourquoi, quand il fut élevé vers les cieux qu’il vit ce qui se trouvait là-haut lui fut révélé d’espèces de confidences, il se retrouva le matin, parmi eux, sans que son état ait changé et sans que cela n’apparaisse sur lui, à la différence de Moïse suite à sa perte de conscience. Quant à la troisième espèce de ce qu’on nomme « extinction », c’est témoigner qu’il n’est pas d’existant sinon Dieu que l’existence du Créateur est l’existence du créé et qu’il n’y a donc pas de différence entre le Seigneur et le serviteur. C’est l’extinction des gens de l’égarement et de l’hérésie qui tombent dans les doctrines de l’infusion et de l’union. Lorsque l’un des shaykhs dont la voie est droite dit : « Je ne vois rien d’autre que Dieu » ou « Je ne regarde vers rien d’autre que Dieu » etc., ce qu’ils veulent dire par là c’est : « je ne vois pas d’autre Seigneur que Lui et je ne regarde vers rien d’autre que Lui. Pas d’autre Administrateur que Lui, pas d’autre Dieu que Lui et je ne regarde vers rien d’autre que Lui que ce soit en l’aimant ou en ayant peur ou en mettant mon espérance ». L’œil regarde en effet, vers ce à quoi le cœur s’attache. Quiconque aime une chose, l’espère ou en a peur d’elle, de détestation d’elle, d’autres formes encore d’attachement du cœur à elle, le cœur ne tend ni à se tourner vers elle, ni à regarder vers elle, ni à la voir. Et si on la voit par hasard, sans plus, c’est comme si on voyait un mur ou quelque autre choses vis-à-vis de laquelle on n’a point d’attachement en Son cœur. Les shaykhs vertueux rappelèrent un élément du dépouillement de l’affirmation de l’unité de Dieu et de la réalisation de la consécration de toute la religion à Dieu : le serviteur ne se tournera vers rien d’autre que Dieu et ne regardera vers rien d’autre que Lui, ni en l’aimant, ni en ayant peur, ni en mettant son espérance. Le cœur au contraire sera vide des créatures, libre d’elles, et ne regardera vers elles que par la lumière de Dieu. C’est donc par le Réel qu’il entendra, par le Réel qu’il verra, par le Réel qu’il prendra, par le Réel qu’il marchera. Parmi les (créatures) il aimera ce que Dieu aime et détestera ce que Dieu déteste sera l’ami de ce dont Dieu est l’ami et sera l’ennemi de ce dont Dieu est l’ennemi. Voilà le cœur pur, sincère, monothéiste, musulman, croyant, qui connaît, qui réalise et qui affirme l’unité divine par la connaissance des prophètes et des envoyés par leur réalité et par leur monothéisme ». En somme, le Tawhid dans la seigneurie est purement conceptuel et il doit anticiper le Tawhid tangible et pratique car beaucoup se sont contentés des plaisirs de la contemplation en jouant avec la connaissance qu’ils ont des éléments de l’univers pour rompre l’ordre actuel et cela en négligeant la concrétisation véritable du Tawhid. C’est pourquoi Junayd al Baghdadi a dit : « Des hommes ont marché sur l’eau grâce à la certitude. Mais d’autres qui sont morts de soif sont meilleurs qu’eux sur le plan de la certitude ». En effet, le but ne consiste pas à éprouver Dieu en se jetant dans le feu car nous vivons dans un monde de cause à effet. S’éloigner des causes secondes, c’est s’éloigner de la voie prophétique et nier complètement le lien entre les choses, c’est faire preuve d’un manque de raison selon une formule d’Ibn Taymiyya. Il s’agit d’avoir, en ce qui concerne cette question, une position médiane : celle de placer sa confiance en Dieu et d’avoir recourt aux causes secondes. Un homme a demandé au prophète : « Messager de Dieu, dois-je attacher ma chamelle et placer ma confiance en Dieu, ou bien laisser libre et placer ma confiance en Dieu ? Le Prophète rétorqua : « Attache-la et place ta confiance en Dieu ». La réalisation du Tawhid dans la Seigneurie consiste à s’éteindre dans la contemplation de l’unicité divine c’est-à-dire à ne voir que Lui en concentrant notre attention sur le Muharrik al Aoual par l’observation du mouvement des créatures, impuissantes par elle-même.
Mahdy Ibn Salah