Assalamou 'alaykoum, pas de problème. Je te remercie déjà d'avoir pris le temps de me répondre. Pour te préciser un peu le pourquoi de ces questions : Depuis quelque temps, ou bien depuis que je pratique en fait, j'ai l'impression de tomber dans une hypocrisie mécanique. C'est à dire que je fais, je ressemble mais je ne suis pas. A la lecture d'un verset l'autre jour ("O vous qui avez cru! Pourquoi dîtes-vous ce que vous ne faites pas?), j'ai pris peur d'être pris dans un cercle vicieux dont la finalité serait ce verset. J'ai l'impression d'être arrivé à un stade où je dois affermir ma foi et mes convictions et pourtant je stagne. Comme si ma raison me montrait un chemin d'adoration, de purification et de progression spirituelle. Pourtant le temps passe et je reste là, ne sachant plus comment m'y prendre et je t'avoue même mon frère qu'il m'est parfois difficile de me confier au meilleur des confidents (Allah bien entendu). Mon coeur est malade et je dois le guérir, d'où ces questions sur le "programme de purification de l'âme" et ces aspects pratiques. Merci d'avance de prendre le temps de me lire. Ton frère fillah.
Alaykom salam cher frère,
Tu soulèves une question essentielle pour celui qui souhaite cheminer sincèrement vers son Seigneur. L’éducation spirituelle et la purification de l’âme devrait être le souci de tout musulman !
Tu expliques que tu es arrivé à un stade où tu ressens le besoin de raffermir ta foi afin de rendre vivante ta pratique cultuelle qui reste mécanique et sans saveur. Mais ne sachant par où commencer, tu souhaiterais avoir des conseils pour arriver à une purification spirituelle authentique.
Sache mon frère que tu n’es pas le seul à buter face à cette noble tâche ; beaucoup n’arrivent pas à purifier leur intériorité parce qu’ayant laissé, pendant trop longtemps, leur âme les gouverner en se laissant aller à toutes sortes de passions « douniatiques ». Et si certains y arrivent, ils rencontrent tout de même des difficultés liées à l’environnement ténébreux dans lequel ils évoluent et par conséquent la constance peut leur faire défaut !
Sache que pour commencer à cheminer, il te faut d’abord avoir une intention sincère dans ta volonté de te rapprocher du Seigneur. N’oublie pas que toutes les actions ne valent que par leur intention et si cette dernière n’est pas sincère tu régresseras et t’enlaidiras plus que tu ne te purifieras !
Par ailleurs, il te faut garder à l’esprit que tu ne pourras te purifier que par la permission d’Allah car c’est Lui qui détient la purification de l’âme : "(…) Et n’eussent été la grâce d’Allah envers vous et Sa Miséricorde, nul d’entre vous n’aurait jamais été pur. Mais Allah purifie qui Il veut. Et Allah est Audient et Omniscient." [1]
Comprends donc que pour réussir dans cette entreprise, tu dois invoquer Allah comme nous l’a appris notre bien aimé prophète (alayhi salat wa salam) à travers cette invocation: "Ô Allah inspire à mon âme sa piété et purifie-la, Tu es Le Meilleur qui la purifie ; Tu es son Protecteur et son Maître." [2]
Il te faut savoir qu’il existe deux étapes dans la purification de l’’être : celle du cœur et celle de l’âme. Allah nous informe sur l’état dans lequel doit être le cœur en nous rappelant : « Le jour où ni les biens, ni les enfants ne seront d’aucune utilité, sauf celui qui vient à Allah avec un cœur sain » [3] « Quant à l’âme, il nous informe qu’il« lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété! A réussi, certes, celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt ». [4]
Note qu’il existe des cœurs morts et des cœurs vivants. Nous pouvons les classer en 3 catégories :
- Le cœur sain est le cœur qui est vide de tout ce qui est autre que Dieu. Il ne contient aucun vice et aucune idole. Il aime et déteste en Allah, ne transgresse pas les limites imposées par la législation musulmane et place entièrement sa confiance en Dieu. Son souci se résume dans l’obéissance au Créateur.
- - Le cœur mort est le cœur qui est entièrement soumis à ses passions. Il est endurci et ne ressent aucune culpabilité lorsqu’il commet un pêché. C’est un cœur rebelle qui s’est accoutumé au mal et a fini par être aveugle.
- Le cœur malade est un cœur qui est encore vivant mais qui est atteint d’un mal. C’est un cœur tourmenté qui subit l’alternance de la domination du mal et du bien en son sein. C’est un cœur tiraillé entre la volonté de se soumettre à Allah et la volonté de s’adonner aux plaisirs illicites de l’ici-bas.
A chaque fois que le fils d’Adam commet un pêché son cœur se tâche de points noirs. Et s’il ne se repent pas après chaque forfait, son cœur finira par devenir entièrement noir jusqu’à être aveugle et ne plus pouvoir discerner le bien du mal. Allah ne nous dit-il pas : "Ils ont un cœur mais ne comprennent pas par son moyen". [5]
Par ailleurs, beaucoup ne comprennent pas qu’il existe une étroite corrélation entre le cœur et l’âme. En effet selon une tradition prophétique, « il y a dans le cœur un morceau de chair qui, lorsqu’il est saint tout le corps est sain, et lorsqu’il est corrompu tout le corps se corrompt. C’est le cœur ». [6] Ainsi si le cœur est purifié celui-ci aura une grande influence sur la piété de l’âme. Cette dernière se caractérise par son attirance vers les penchants naturels, corporels ou matériels. C’est par la force de la foi contenue dans son cœur que l’homme trouvera la ferme volonté de maintenir son âme dans les limites sacrées imposées par Allah. Etant donné que "L'âme est très incitatrice au mal " [7], un cœur qui est faible, finira par se pervertir.
Shâh Waliyyullâh écrit à ce sujet : "Lorsque l'homme a la foi, une foi qui englobe ses facultés morales et psychiques, cherche réellement à se conformer à l'état de servitude à Dieu, et agit ainsi longuement, chaque partie de son âme absorbe sa part d'adoration de Dieu, et des dispositions naissent alors en elle. Si ces dispositions sont profondes et permanentes, ce sont des qualités" [8]. Ainsi la purification de l’âme dépend forcément de celle du cœur ! Toute personne cheminant vers Dieu et désirant purifier son âme doit donc aspirer à avoir un cœur sain. La question qu’il convient donc de se poser maintenant est de savoir comment purifier son cœur afin que celui-ci ait une influence positive sur la rectitude de l’âme. Pour acquérir la piété des cœurs et les maintenir vivant, il faudra faire certains efforts dans la pratique des adorations cultuelles mais également dans l’acquisition d’une saine croyance.
Voici quelques conseils à appliquer :
- Connaître son Seigneur à travers Ses Noms et Ses attributs car un cœur qui n’a pas une idée nette d’Allah finira par donner certains des attributs de Dieu à d’autres que Lui et l’amour pour Lui et la volonté de se soumettre à Lui ne seront pas réels.
- Préserver sa langue de toute forme de médisance car le prophète (alayhi salat wa salam) nous a informé que : « La foi du serviteur ne connaît la droiture que lorsque son cœur devient droit et son cœur ne connaît la droiture que lorsque sa langue devient droite ». [9]
- Baisser son regard car si l’œil se plaît à regarder des choses illicites, les souillures pénètreront le cœur. Ibn Jawzi dit à ce propos: « Combien de regards n’ont pas été contrôlés, alors que les choses qui méritent le plus d’être dominées et maîtrisées sont la langue et l’œil. Prends donc garde d’être trompé par ta volonté de délaisser les passions tout en t’approchant de la tentation, car celle-ci est très rusée. (…) Réfléchis mais ne scrute pas tout éclair, car l’un d’eux peut contenir une foudre mortelle, baisse le regard tu seras préservé d’une passion, qui te ferait porter l’habit de l’humiliation et de la laideur, le fléau du jeune est qu’il réponde à son âme et les passions débutent par l’avidité du regard ». [10]
- Adhérer à une « jem3a » en s’entourant de personnes pieuses afin d’évoluer dans un environnement lumineux et être constant dans ton cheminement spirituel. Tu peux entrer en contact avec l’association Hayat qui t’informera sur la possibilité d’intégrer un cercle spirituel dans ta ville.
- Pratiquer le dhikr de Dieu et la prière de nuit car le rappel d’Allah empêche la dureté du cœur, l’illumine et l’apaise. « L’invocateur ne cesse de pratiquer le dhikr avec la langue tout en s’efforçant d’y être présent avec le cœur. S’il s’adonne à cette pratique et en prend l’habitude, ses pensées ne l’assaillent plus, à tel point que le dhikr du cœur fait corps avec celui de la langue, que la lumière du cœur consume les passions et les diables, que son dhikr intérieur prend de l’ascendant, affaiblissant de la sorte celui de la langue et que son corps est pénétré par ses lumières. Son cœur se purifie des soucis et se soustrait aux suggestions et aux assauts démoniques. Il devient ainsi le théâtre ou surviennent les évènements spirituels et le miroir poli pour recevoir les connaissances subtiles ». [11]
- Augmenter les bonnes œuvres en intégrant par exemple une structure associative à vocation humanitaire ou en étant un soutien pour son entourage.
Mon frère, tu ne réussiras pas à faire tout cela du jour au lendemain. Il te faudra donc être patient et endurant dans ton cheminement, le temps que ton cœur prenne le dessus sur ton âme et que celle-ci se rapproche de son côté spirituel. En réalité, cette lutte est celle de tout être humain et celle de toute une vie. Commence donc à prendre la route car le chemin est long…
Qu’Allah reprenne nos âmes qu’une fois nos cœurs soumis entièrement à Lui !
Allah sait mieux.
Raja d’Aix en Provence
***
[1] Sourate 24 verset 21
[2] Rapporté par Muslim
[3] Sourate 26 versets 88 et 89
[4] Sourate 91 versets 8 et 10
[5] Sourate 7 verset 179
[6] Rapporté par Boukhari et Mouslim
[7] Coran 12/53
[8] Hujjatullâh il-bâligha, 2/242
[9] Rapporté par Ahmed
[10] Chapitre 6 « L’éloignement vis-à-vis des tentations »-Les pensées précieuses d’Ibn Al Jawzi
[11] Les vertus du dhikr du Cheikh Abdel-Kader Aïssa