Salam Alaykom,

J'espère que vous allez bien. Je me permets de vous écrire de nouveau pour vous demander conseil. Je suis une personne qui a du mal à dire non lorsque quelqu'un me demande un service ou de l'argent. Au point où il m'arrive souvent, de rendre service alors que cela me porte préjudice. Et certains ne sont pas gênés de toujours demander et encore demander, tout le temps demander... Mon problème est que je n'arrive pas à dire non!!! Je n'arrive pas à trouver l'équilibre entre donner aux autres et rendre service aux autres ET garder une part pour moi et préserver mon temps, ma santé et mon argent. On vit une époque où les gens n'ont plus de limites et sont de plus en plus profiteurs. Pourriez-vous me dire comment savoir dire NON ? Comment savoir si je deviens injuste en ne répondant pas à la sollicitation d'une personne? Ces questions me travaillent beaucoup... Qu'Allah vous récompense pour avoir pris le temps de me lire.

Wa ahléikoum salam orti al ‘aziza,

Al hamdoulilah je me porte bien, j’espère que toi de même ma sœur fillah. Concernant ta question, il faut que tu saches que rendre service est une très belle action car notre Prophète a dit : « Quand Allah veut du bien pour l’un de ses serviteurs, il l’utilise pour résoudre les affaires des autres. » C’est donc un signe d’élection que de rendre service à autrui ! Cela dit, la condition pour que cette action devienne louable est que le service ne doit effectivement pas porter atteinte à notre spiritualité ! En effet, si rendre service nous use spirituellement, c’est que :

- Soit celui qui use de ce dernier ne fait en réalité que profiter,

- Soit nous avons dépassé notre capacité à rendre service.

Ainsi, il est important de souligner que le service est louable que lorsqu’il améliore la situation du quémandeur, de même que celle du bienfaiteur. Et ce n’est pas améliorer la situation d’une personne que de contribuer à sa pauvreté intérieure et extérieure…  

Ne soyez pas comme ces bougies,

Qui éclairent tout en se consumant,

En effet, aider autrui n’est utile que si,

L’action s’opère raisonnablement !

Il en va de même pour le fait de donner de l’argent. C’est une adoration sublime qui sauvera. En effet, notre Prophète a dit : « Il y a sept catégories de gens qu'Allah mettra sous Son ombre le jour où il n'y aura pas d'autre ombre que la sienne » et parmi eux : « un homme qui donna une aumône qu'il avait cachée  au point que sa main gauche ne sut pas ce que sa main droite avait dépensé. »[1]

Cela étant, il ne faut pas que le bien serve le mal ! Et comment le bien peut-il servir le mal ? Quand des malins profitent de la gentillesse et de la bonté des uns pour exploiter et profiter ! A ce sujet le Prophète a dit : « Celui qui tend la main pour accroître ses biens ne mendie en réalité que des braises de la Géhenne. »[2] Dans une autre version de ce hadith : « Celui qui tend la main sans être dans le besoin est comme celui qui empoigne des braises.

» 

Selon un autre hadith notre Prophète a dit : « La mendicité est une blessure que l’on fait à son propre visage, sauf si l’on s’adresse à une autorité ou si l’on est acculé par une nécessité réelle. » Ainsi, comprends qu’une aumône doit s’opérer avec clairvoyance car le croyant ne doit pas participer à l’injustice et à la perte des gens surtout si l’aumône est régulière.

De nos jours la mendicité est devenue presque un métier, une statégie d'arnaque ! Prenons l'exemple de cette histoire vraie dans laquelle un individu a quémandé de quoi acheter un billet de train Paris-Marseille. Les donateurs ont pris le soin de l'accompagner jusqu'à ce qu'il monte dans le train afin d'avoir bonne conscience, et contre toute attente après le départ du train lorsque les donateurs l'on salué, le protagoniste a répondu par un bras d'honneur, sûrement parce que son intention n'était pas d'aller à Marseille mais de se faire rembourser le billet avant le départ...

Aussi, dans une autre tradition Hakim Ibn Hizam rapporte : « J'ai demandé au Prophète de l'argent et il m'en a donné. Je lui en ai demandé à nouveau et il m'en a redonné. Puis je reformulai ma demande une troisième fois, il m'en donna encore et me dit : « Ô Hakim, cet argent est comparable à un fruit tendre et délicieux. Celui donc qui le prend sans cupidité, cet argent lui sera béni. Mais celui qui le prend avec avidité, cet argent ne lui sera pas béni, et il sera à l'image de celui qui mange sans pourtant se rassasier. La main qui donne est meilleure que la main qui reçoit ». Je lui dis alors : « O Envoyé de Dieu, par Celui qui t'a envoyé par la vérité ! Désormais, je ne prendrai plus rien de personne jusqu'à ce que je quitte ce monde.» Et, effectivement, Abu Bakr faisait appeler Hakim pour lui donner une part des dons, mais il refusait de prendre quoi que ce soit. Puis Omar fit comme Abu Bakr mais Hakim refusa encore systématiquement. Omar déclara alors : « Ô musulmans, je vous prends à témoin que j'ai proposé à Hakim la part de butin que Dieu lui a impartie et qu'il l'a refusée. » Ainsi, Hakim refusa de prendre quoi que ce soit de quiconque après le Prophète, et ce jusqu'à sa mort. »[3]

Nous pouvons extraire de ce hadith deux règles fondamentales :

- l’aumône ponctuelle est permise

- tandis que l’aumône régulière doit être pédagogique

L’aumône pédagogique consiste à ne pas contribuer, ni à entretenir la dépendance des gens mais plutôt à participer à leur indépendance comme celui qui donne à un pauvre de quoi concrétiser un projet ou celui qui parainne un orphelin jusqu'à son indépendance.

Il existe une autre solution qui peut te permettre de dire « non » sans dire « non », si tu as du mal à dire « non » quand il faut dire « non » ! C’est de prêter au lieu de donner… Et si l’endetté ne rembourse pas, ne donne plus rien après cela, car ceci est un témoin évident de son injustice…

Ceci me fait rappeler l’histoire d’un frère qui me demanda un jour de l’argent, je lui donnai une somme, il me remboursa la moitié puis me redemanda dix fois plus ! Ce que je refusais logiquement des conséquences de sa dette non remboursée, et en me renseignant, j’ai pris connaissance que ce dernier était amoureux passionnément d’une femme qui lui avait pratiquement tout dépouillé. Aider ce frère, par conséquent, aurait été pour moi comparable au fait de subvenir indirectement aux caprices de cette femme profiteuse, et donc à tomber dans un piège diabolique qui veut étendre l’exploitation d’une personne vers ses contacts les plus proches afin d’élargir la ruine au maximum !

Méfiez-vous mes frères et mes sœurs,

De la générosité et de la bonté qui ruinent,

Car c’est un piège que nous tend Satan au cœur,

Par ses absorbeurs, qui gaspillent nos faveurs divines !

Ce texte devrait servir de support à une reflexion pour de nombreuses associations qui entretiennent la mendicité sans proposer des projets de ré-insertion...

Mahdy Ibn Salah