Si j’écris cet article, c’est pour éclaircir certains point quant à la définition authentique du “savant” afin de briser l’imitation aveugle (taqlid) et la tendance moderne et égarée de revenir aux savants dans tous les cas de figure, et d’accorder de ce fait, un pouvoir illégitime à certains “savants” à la solde des gouverneurs et donc de l’occident.
En effet, Allah a dit : « Telles sont les paraboles que Nous citons aux gens, cependant, seuls les savants les comprennent. »1 Il faut comprendre que le savant dont fait allusion ce verset n'est pas le savant à proprement parler ! En effet, un « savant » est « une personne qui possède un vaste savoir » mais est-ce dans cette optique qu'Allah use du terme « savant » dans sa parole? Nous allons montrer que, d'une manière absolue, la réponse est négative. En effet, dans un autre passage du coran, Allah énonce : « Est-ce que celui qui, aux heures de la nuit, reste en dévotion, prosterné et debout, prenant garde à l'au-delà et espérant la miséricorde de son Seigneur. Dis « Sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas? » Seuls les doués d'intelligence se rappellent. »2 Nous avons dans ce verset, la preuve que la science véritable n'est pas qu'une question de mémorisation mais concerne aussi la pratique, si bien que le vrai savant est celui qui non seulement sait, mais qui pratique simultanément son savoir. De cette manière, tous les savants appelés ainsi par convention ne sont pas indubitablement de vrais savants, surtout si la crainte divine leur fait défaut car Allah a dit : « Parmi ses serviteurs, seuls les savants craignent Allah. »3 Ce verset indique que toute personne qui craint Allah est un savant. C'est pourquoi Ibn Mess'oud disait que la « crainte de Dieu suffit comme connaissance. » Or, de toute évidence, les savants appelés ainsi par convention ne craignent pas tous Allah. De la sorte, la définition conventionnelle suivante du terme savant devient caduque : «Un savant est une personne reconnue comme tel par les autres savants. » Cette définition est, en effet, dangereusement fausse, si on ne l'approfondit pas, dans le sens où elle peut encourager le sectarisme et la division puisque engendrant la polarisation du savoir vers une seule et même école de pensée! Il faut donc opérer une distinction radicale entre le savant par convention, vers qui l'on s'oriente quand il nous manque des informations, et le savant véritable vers qui l’on s’oriente pour comprendre. C'est pourquoi Ibn Hazm disait à ce propos que: « Le plus savant des hommes (après la connaissance du coran) est celui qui a réunit le plus grand nombre de traditions, tout en connaissant leurs significations et leurs degrés d'authenticité, ainsi que les propos divergents des savants à leur sujet. » Il fait allusion ici au savant par convention et n'attribue pas de titre fixe. Le savant par convention n'est donc pas forcément un savant de toutes les disciplines du savoir mais une personne que l'on prend pour référence dans ce que l'on ignore. Et, il existe, en effet, une hiérarchie à opérer entre les savants, en fonction de la largesse de leur connaissance, mais aucune limite ne les sépare explicitement de telle sorte qu'il serait injuste de prétendre qu'un tel n'est pas savant! Tout le monde peut, effectivement, être savant d'un sujet limité. C'est pourquoi, la nuance est importante ici surtout quand Allah dit : «Et parmi ses signes la création des cieux et de la terre et la variété de vos idiomes et de vos couleurs. Il y a en cela des preuves pour les savants. »4 Nous avons dans ce verset la preuve que le titre savant n'est pas l'apanage d'une catégorie spécifique mais englobe toute personne qui peut pénétrer l'apparent d'un signe divin (révélé ou créé) pour y extraire sa profonde signification en rapport avec le Créateur.
C'est pourquoi Allah nous demande de revenir aux savants par convention, qualifiés exactement de « gens du rappel », uniquement quand on ne sait pas : « Et demandez aux gens du rappel si vous ne savez pas. »5 Ce verset est une preuve de l'interdiction de l'imitation aveugle (Taqlid) qui consiste à suivre un « savant » sans connaître, ni tenir compte de ses références, car il nous invite à revenir aux savants uniquement dans le cas de notre ignorance d'un texte scripturaire afin que ceux-ci nous rappellent ce qu’ils savent de la science qu’est le Coran et la Sunna. Ceux qui reviennent aux savants dans toutes les situations ne sont, ni plus ni moins, que des «mouqalidines » (imitateurs aveugles) comparables à des gens qui abandonnent leur intelligence, se rapprochant de ce fait des bestiaux!
Dans un verset du Coran, Allah compare les mécréants à du bétail : « Les mécréants ressemblent à (du bétail) auquel on crie et qui entendent seulement appel et voix confus. Sourds, muets, aveugles, ils ne raisonnent pas. »6 A partir de ces versets nous pouvons déduire que la compréhension est une obligation et qu'elle consiste à extraire le sens d’une information. En effet, les animaux ne captent que la forme des paroles sensées mais pas le fond d’où l’élégante comparaison divine. C’est pourquoi Allah nous met en garde contre ceux qui prétendent entendre alors qu’ils n’entendent pas c'est-à-dire ceux qui ne comprennent pas, ou qui répètent sans saisir, comme des perroquets, ce que les autres disent…
En somme, un savant n'est tel que parce qu'il nous renseigne sur une parole divine ou prophétique que nous ignorions. En aucun cas, il ne doit être suivi dans l'une de ses sentences libres, qui va à l'encontre du Coran et de la Sunna ! Et l'on peut, par conséquent, puiser la science de toute personne plus savante que soi, et le mieux serait, bien évidemment, de la puiser de la personne la plus savante, mais rien n'interdit d'apprendre de ceux qui peuvent nous enseigner ce que nous ignorions ou élargir notre compréhension et notre vision. Que dis-je! Bien au contraire, c'est même un devoir dans le cas du besoin et de l'inaccessibilité immédiate d'un savant par convention.
Ecrire ce que j’ai écris ne veut pas dire que je critique les savants comme peuvent le comprendre les faibles d’esprit! J’aspire juste, en réformateur, à leur redonner la vraie place qu’ils méritent dans notre religion afin que nous ne tombions pas dans les erreurs qu’ont commis les enfants d’Israël, avant nous, qui préférèrent effectivement, leurs savants aux prophètes d’Allah!
Mais notre messager avait raison : « Vous suivrez, dit-il, les traditions de ceux d’avant vous empan par empan, même s’ils entreraient dans un terrier de lézard vous les y suivriez. »7
Mahdy Ibn Salah
C29/43
C39/9
C35/28
C30/22
C21/7
C2/171
Boukhari